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Z
comme...
ZIG et PUCE
(1963-1969)
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A
propos de... Saint-Ogan.
(568 Ko)
Le 19 mars 1997, à Neuilly sur Seine.
©Benoît Mouchart
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Vedettes
de la bande dessinée française d'avant-guerre, Zig,
Puce et le pingouin Alfred furent dépassés par le succès de Tintin après 1946. Leur créateur Alain Saint-Ogan les avait abandonnés
pour se consacrer au dessin de presse lorsque Michel Greg lui proposa,
en 1962, de les reprendre pour de nouvelles aventures.
Greg
: «C'était vraiment au culot. Saint-Ogan venait de publier un livre de
souvenirs intitulé Je me souviens
de Zig et Puce et de quelques autres où il annonçait son intention
de ne plus dessiner d'aventures de Zig et Puce. Je lui ai donc écrit aux bons soins de l'éditeur : «J'admire
beaucoup ce que vous faites. Je suis moi-même dessinateur — j'avais
envoyé quelques échantillons. Voulez-vous
que nous reprenions Zig et Puce ensemble ?» J'ai reçu une invitation
pour venir le rencontrer à Passy et ça a été le coup de foudre. À la fin
de la journée, il m'appelait «Fiston»
et je l'appelais «Papa»...»
Saint
Ogan, Raymond Leblanc, Greg
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Première lettre de
Saint Ogan à Michel Greg
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Lorsque
le premier épisode des nouvelles aventures de Zig
et Puce, Le Voleur fantôme,
commença à paraître le 26 mars 1963 dans Tintin, Saint-Ogan
s’exclama par lettre interposée : « Parfait !
Superbe… Merci. » Dans le même numéro, paraissaient simultanément
les dernières planches de Babiole
et Zou et les grosses têtes et les premières planches de Zig
et Puce. |
La
rupture de style était saisissante : autant Babiole et Zou présentait indéniablement les caractéristiques du « style
Greg » – dont les rondeurs et le sens du mouvement témoignaient
d’un héritage, parfois encore maladroit, de Franquin – autant Le
Voleur fantôme semblait quelque peu figé dans une ligne claire
tout en raideur : l’encrage restait sans relief, sans pleins
et déliés, comme s’il était « retenu ». |
Par
ailleurs, de la science-fiction amusante de l’intrigue des Grosses têtes, Greg était passé à une enquête policière un peu moins
fantaisiste. Le nouveau dessinateur de Zig
et Puce avait gagné en rigueur, mais il avait incontestablement
perdu en spontanéité… Le naturel reprit cependant très vite le dessus,
comme en témoigne le changement de style, aisément repérable dans
la représentation des mains et les plis de vêtements, à partir des
planches 38 et 39. |
© Glénat
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Du
compromis hybride entre le style de Saint-Ogan et le sien, Greg bascula
définitivement et décida de représenter Zig
et Puce comme s’il les avait créés lui-même. En renonçant à pasticher
le dessin de Saint-Ogan – ce dont il n’était de toute façon pas vraiment
capable –, Greg prouva par l’exemple que reprendre une série quarante
ans après sa création n’oblige pas pour autant le « repreneur »
– si sa démarche n’est pas celle d’un mercenaire mais bien d’un créateur
à part entière – à se figer dans une époque et un style donnés.
Ce
choix permit au dessinateur de retrouver son graphisme habituel dans Le
Vagabond d’Asie, puis de perfectionner son style dans SOS Sheila. Avec ce nouveau récit, librement inspiré de Zig
et Puce cherchent Dolly, Greg semble déjà plus à l’aise ; l’abondance
des rebondissements et des gags en témoignent, de même que le portrait
savoureux de seconds rôles comiques : le capitaine Tabacco, le directeur
du cirque Torticoli, le cinéaste Axel Fournoir et, surtout, Bibelot, matelot
distrait, mais de bonne volonté… Sans avoir besoin de renouer graphiquement
avec un style proche de Saint-Ogan, Greg glisse même un clin d’œil discret
aux fidèles lecteurs de la série en reprenant par deux fois une astuce
de mise en page caractéristique de la manière de son aîné : lorsqu’il
dessine dans cette histoire la procession vers le volcan et le cortège
du cirque, il utilise en effet trois bandes qui constituent une même image
en trois niveaux et recréent par conséquent une impression de mouvement…
Projet
publicitaire pour une boisson (©Greg)
Publié en 1964, Le
Prototype Zéro-Zéro succèda sans intermède à SOS
Sheila dans Tintin.
Si le point de départ de cette histoire, à savoir l’invention d’un
véhicule tout-terrain, était emprunté au Zig,
Puce et Furette de Saint-Ogan, il n’en était pas de même pour l’intrigue
proprement dite : depuis les débuts de sa reprise de Zig et Puce, Greg s’efforçait en effet de donner un peu plus de cohérence
à ses histoires, souci dont Saint-Ogan n’avait jamais fait montre dans
ses « scénarios » – qui étaient bien plus souvent une suite
de péripéties sans liens entre elles qu’une histoire construite proprement
dite. L’ironie des dialogues de Greg fait mouche et parvient à palier
le manque d’originalité de l’intrigue qui, si elle est bien ficelée, n’en
demeure pas moins relativement convenue : les réflexions d’Alfred
– qui à l’instar de Spip, porte un regard critique sur les actes de ses
maîtres –, la création de l’agent secret incompétent Kloshzumspritch et
l’apparition, sous les traits de Monsieur Maurice, du dessinateur de Lucky
Luke Morris apportent une petite touche de dérision qui témoigne bien
de l’esprit de Greg.
Alfred, Zig et M. Maurice fuient devant le gorille
de Victor Virgule
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Apparemment
enthousiaste devant le travail de son « fils
spirituel », Alain Saint-Ogan écrit le 14 septembre 1964 :
« Bravo pour votre Zéro-Zéro…
Que d’émotions vous donnez à nos
petits personnages ! » Tout semble donc aller pour le mieux.
Il n’en est rien, car Greg est déçu, après tant d’efforts, de voir ses
Zig et Puce classés derniers
au référendum du journal. Le soulagement d’apprendre que les suffrages
avaient été truqués par un dessinateur peu scrupuleux n’atténua pas complètement
sa légitime insatisfaction…
Greg :
« Dans ma bonne foi, je n' imaginais pas une seconde que certains
de mes collègues puissent s’abaisser à acheter un millier d’exemplaires
du journal pour compléter en leur faveur les bulletins du référendum ! »
Le
dessinateur se remit pourtant à l’ouvrage et Tintin
publia La Pierre qui vole
l'année suivante. La scène d’introduction, proche de l’esprit des romans
noirs dont Greg était un lecteur friand, installe tout de suite l’ambiance :
tandis que Sifflotay-sur-la-Gamme est recouvert d’un épais manteau de
neige, Zig et Puce portent secours au conducteur d’un corbillard accidenté,
avant de découvrir non pas un cadavre, mais une pierre qui déjoue les
lois de la pesanteur !
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Bientôt,
les poursuivants du « fossoyeur » se manifestent et prennent
en chasse Zig et Puce, qui ne tardent pas à comprendre que ces actes
de malveillance sont organisés par le Docteur Forbanax, savant fou
et ancien nazi… |
Cet
épisode, qui ne doit rien aux histoires de Saint-Ogan, est sans conteste
le plus maîtrisé : le dessin, l’histoire et les gags y sont à la
fois enlevés et en phase avec l’air du temps. N’y voit-on pas Zig et Puce
donner du coup de poing ? Greg retrouve ici la veine qui lui avait
inspiré Z comme Zorglub puis
L’Ombre du Z pour Franquin.
L’impact auprès des lecteurs est immédiat, mais insuffisant aux yeux du
père d’Achille Talon.
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Greg
: «J'ai rajouté de l'action rigolote, puis j'ai mêlé l'humour et l'aventure
et ça a marché un peu mieux. Je me suis vraiment défoncé sur cette
série, mais le succès a toujours été moyen.» |
Après
Les Frais de la Princesse (publié
en 1969), Greg, accaparé par Achille Talon, fut contraint d’abandonner Zig et Puce. La reprise de Greg reste aujourd'hui encore injustement
ignorée. Qu'on ne s'y trompe cependant pas, Zig et Puce est bien
l'une des séries les plus importantes de l'œuvre de Greg et La Pierre qui vole l'un de ses meilleurs albums. Rappelons au passage
que les éditions Glénat ont publié l'intégrale des aventures de Zig
et Puce dessiné par Saint-Ogan et Greg...
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