S comme...
SCÉNARIO

A propos de... ses personnages.
(538 Ko)

Le 9 avril 1997, à Neuilly sur Seine.
©Benoît Mouchart
A propos de... l'autocritique.
(567 Ko)
Le 8 octobre 1997, à Neuilly sur Seine.
©BenoîtMouchart

       Avec Jean-Michel Charlier et René Goscinny, Michel Greg appartenait à cette génération d'auteurs qui avaient «inventé» le métier de scénariste. En effet, pendant longtemps, beaucoup d'éditeurs — et de dessinateurs — refusaient d'officialiser l'existence de cette profession : le scénariste n'était alors pas considéré comme un coauteur, mais plutôt comme un fournisseur.

Greg et Goscinny

Greg : «A la fin des années cinquante, Dupuis pensait que tout scénariste était un parasite et il ne voulait payer qu'une personne : le dessinateur. «Si vous voulez vous offrir un scénariste, disait-il aux dessinateurs, c'est votre problème !» C'est pourquoi Franquin m'a longtemps payé de sa poche.»

       Pour construire ses scénarios, Greg s'imbibait longtemps de son sujet, en lisant de nombreux articles, mais aussi en se rendant sur les lieux de l'action qu'il avait choisi. Il imaginait alors quel serait «l'accident» qui pourrait faire basculer la vie de ses personnages dans tel ou tel décor...

Greg : «Je pars d'impressions, d'un cadre et d'une atmosphère. Par exemple, je pense à la jungle : les jungles tropicales impliquent une forte humidité et par conséquent  la présence de nombreux insectes qui empêchent l'homme d'y vivre. En partant de ces impressions, j'en conclus que la jungle est la seule échappatoire possible d'un bagne pour Bernard Prince, dans La frontière de l'enfer...»

       C'est sans doute pourquoi Greg a permis à la bande dessinée de sortir du carcan du bon contre le méchant : cette évolution, qui nous semble évidente et naturelle en l'an 2000, était loin de l'être à l'époque. Longtemps, les héros de bande dessinée sont restés des modèles de vertu, combattant toujours contre le mal avec un sens du désintérêt et du sacrifice très poussé.


Planche de scénario de Comanche : Et le diable hurla de joie

Greg : «Au fond, c'est pour protester contre cet état de fait que Franquin et moi avons créé, chacun de notre côté, deux antihéros : Gaston Lagaffe et Achille Talon. Nous en avions assez de ces héros casse-bonbons à force de perfection morale. Dans mes scénarios réalistes, je pense avoir nuancé cette lourde tradition qui nous était imposée par les parents et les professeurs d'école : Bernard Prince, Red Dust, Colby ou Bruno Brazil ne sont pas des monolithes sans état d'âme. J'ai tenté de leur donner, à travers mes histoires, davantage d'épaisseur psychologique et, donc, d'humanité...»