© Editions Dargaud
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A
comme...
ACHILLE TALON
(créé
en1963)
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A
propos de... Chichille.
(305 Ko)
Le 26 mai 1997, à Neuilly sur Seine.
©Benoît Mouchart
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En
novembre 1963, les annonceurs publicitaires font parfois faux bond
au journal Pilote. Pour éviter les pages blanches en cas
d'absence de «réclames», le rédacteur en chef, René Goscinny, demande
à Michel Greg de créer le plus rapidement possible un personnage
pour une série de gags en une page, qui ne sera publiée que pour
combler un trou...
Greg
: «À vrai dire, je pensais continuer à faire le «bouche-trou» sans
trop me poser de questions sur l'avenir. Achille Talon est
la série la plus spontanée, la moins étudiée que j'aie jamais créée.
Devant le succès de Talon auprès des lecteurs, Goscinny
m'a dit un jour : «C'est infernal, depuis que ton gros bourgeois
bavard est dans Pilote, tous nos lecteurs nous écrivent comme
tu le fais parler !» et il m'a fait passer de une à deux pages
de gags par semaine.»
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De gauche à droite : Lefuneste, M. le Directeur de
Polite (alias Goscinny) et Achille Talon.
(© Editions Dargaud)
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Les premiers gags jouent essentiellement
sur un comique visuel alimenté par les violentes disputes qui opposent
le héros, petit bourgeois adipeux et bavard, à son navrant voisin,
Hilarion Lefuneste. Puis, le comique s'est peu à peu déplacé sur les
seuls dialogues, Talon et Lefuneste se livrant alors à d'époustouflantes
et jubilatoires joutes rhétoriques que n'auraient pas reniées Sacha
Guitry ou Michel Audiard, selon les registres. |
Greg
: «Il faut être une éponge pour ce genre d'exercice. En fait, c'est
de la caricature de texte, exactement comme une caricature de dessin.
(...) Il ne s'agit pas forcément de faire de l'argot, mais plutôt
de trouver les bonnes répliques qui vont tomber au bon moment. Ceux
qui sont incapables d'écrire comme ça disent : «C'est facile,
ce sont des mots d'auteur !» Pourtant, c'est un vrai travail
d'écriture.»
Il
serait bien réducteur de ne voir dans cette série qu'une suite de
querelles entre deux voisins séparés d'une haie : à travers Achille
Talon, Greg nous
livre en fait une caricature ironique de son époque. Par son langage
ampoulé et son volumineux tour de ventre, Talon incarne, après Bouvard
et Pécuchet, l'énormité de
la bêtise bourgeoise.
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© Editions Dargaud
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Une foule de personnages typés composent par ailleurs la galerie de
portraits de cette joyeuse comédie humaine : Papa Talon, buveur de
bières professionnel, Maman Talon, ancienne championne de motocross
devenue fée du logis, Virgule de Guillemets, éternelle et inaccessible
fiancée, Vincent Poursan, commerçant polyvalent, le Major Lafrime,
etc. |
© Editions Dargaud
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À
cette satire de la société s'ajoute une dimension réflexive résolument
originale : Achille Talon est, en effet, l'une des
toutes premières bandes dessinées européennes à parler de la bande
dessinée.
En
décryptant les mécanismes et les codes du genre, Greg livre une
belle réflexion sur les possibilités offertes par ce moyen d'expression.
Greg
: «Démonter l'objet m'amusait beaucoup.»
Par
ailleurs, à travers les gags consacrés à
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«Polite»
—
parodie évidente de Pilote —, il dévoile les coulisses du
petit monde de la bande dessinée. Talon, employé du journal, est
alors confronté aux colères de René Goscinny, aux volumineux sandwiches
de Jean-Michel Charlier, aux erreurs de l'imprimeur, mais aussi
aux ragots malveillants et jaloux des «gentils» collègues dessinateurs.
Greg
: «C'est vrai qu'il y avait une certaine électricité dans l'air
à Pilote, mais c'est l'ambiance de n'importe quel bureau,
qu'il soit ou non de rédaction... D'ailleurs, les lecteurs retrouvent
souvent dans ces gags l'ambiance de leur entreprise, même si celle-ci
vend du charbon ou des percolateurs.
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© Editions Dargaud
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Après
avoir été l'infortuné héros de gags en une, puis deux pages, Achille
Talon vit aussi à partir des années soixante-dix des histoires plus
longues, d'abord en six pages, puis en quarante-six pages. La série
s'oriente dès lors vers des aventures humoristiques qui le conduisent
aux quatre coins du globe... Dans ces longues aventures, Talon et
Lefuneste semblent réconciliés et |
© Editions Dargaud
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unis devant l'adversité. Achille, qui était plutôt un antihéros
dans les gags, devient un héros à part entière, capable d'actions
périlleuses pour venir en aide à ses amis, parmi lesquels la douce
Virgule de Guillemets vient en tête :
c'est d'ailleurs le plus souvent pour elle — ou à cause d'elle —
qu'Achille se lance à corps perdu dans l'Aventure...
Greg : «Au fond, Talon est un adolescent attardé. Il ne refuse
pas de grandir de façon délibérée, mais il est très soin-soin-calinette-pantoufle.
Il sort seulement de cet état pour certaines aventures. Il révèle
alors sa nature héroïque, exactement comme un boy-scout qui fonce
dans un jeu ! Talon ne cesse
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de
jouer : il joue à être sérieux comme il joue à être un héros. C'est
un grand gosse...»
En plus de trente-cinq années
d'existence, cette série a donc exploré de nombreuses formes — le
strip, le gag en une, puis deux pages, et, enfin, les aventures de
quarante-six pages —, mais elle a su conserver son esprit satirique
initial et s'imposer peu à peu parmi les incontournables "classiques"
de la BD. |
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